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Le livre bleu de la psychanalyse
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12 mai 2006

La pulsion de mort, une énigme de la théorie freudienne

me0000041767_3Le concept de la pulsion de mort posé comme un au-delà du principe de plaisir est d’un abord difficile même pour ceux dont c’est le métier d’avoir à faire avec elle, pour les psychanalystes. Le fait qu’elle soit posée comme un au-delà du principe de plaisir, il me semble que c’est cela l’important. Mais c’est surtout sa dénomination, son nom de baptême qui fait énigme.

Or ce qui m’a frappé dès les premières phrases de ce texte, c’est le fait qu’au moment même où il pose les bases de sa seconde topique, Freud fait une sorte de retour aux sources, il revient à cette question de l’hystérie masculine donc à ce qui avait été le point de départ de sa découverte de la psychanalyse, à ces premiers cas d’hystérie qu’il avait étudié chez son grand maître Charcot.

Le texte commence en effet ainsi :

«  A la suite de graves commotions mécaniques, de catastrophes de chemin de fer et d’autres accidents impliquant un danger pour  la vie, on voit survenir un état qui a été décrit depuis longtemps sous le nom de névrose traumatique. La guerre terrible, qui vient de prendre fin, a engendré un grand nombre d’affections de ce genre et a, tout au moins, montré l’inanité des tentatives consistant à rattacher ces affections à des lésions organiques du système nerveux… Le tableau de la névrose traumatique se rapproche de celui de l’hystérie par sa richesse en symptômes moteurs, mais s’en distingue également par des signes très nets de souffrance subjective… »

Freud propose ensuite d’abandonner cette « obscure et nébuleuse question des névroses traumatiques » – qui sont quand même survenues en raison des dangers de mort que comportaient ces traumatismes, pour le jeu de l’enfant avec sa bobine.

Or là aussi, nous ne pouvons que constater combien la mort y est très présente au moins pour Freud.  Il écrit « … j’ai profité d’une occasion qui s’était offerte à moi, pour étudier les démarches d’un garçon âgé de dix-huit mois, au cours de son premier jeu, qui était de sa propre invention… Cet excellent enfant avait… l’habitude d’envoyer tous les petits objets qui lui tombaient sous la main dans le coin d’une pièce, sous un lit…

En jetant loin de lui les objets, il prononçait, avec un air d’intérêt et de satisfaction, le son prolongé o-o-o-o qui, d’après les jugements concordants de la mère et de l’observateur, n’était nullement une interjection, mais signifiait le mot « fort » (loin)

Un jour avec une bobine attachée par une ficelle, il rajouta un autre mot à celui du o-o-o-o celui de« Da » voilà. Il célébrait donc le retour de l’objet, un temps disparu.

Dans ce jeu, deux mots sont associés et c’est ce que retiendra Lacan. L’expérience de la disparition et du retour de l’objet est  déjà, par cet enfant parlant à peine, mise en mots, symbolisée.

Cette disparition des objets, qui n’était  qu’un jeu, est bien pourtant liée à la mort.  C’est ce dont nous témoigne Freud dans la petite note qu’il rajoute dans ce texte : Pendant une longue absence de sa mère, l’enfant s’était fait lui-même disparaître : « ayant aperçu son image dans une grande glace qui touchait presque le parquet, il s’était accroupi, ce qui avait fait disparaître son image. Il s’était attribué à lui-même ce vocable o-o-o-. Il était, lui aussi, parti.

Mais surtout Freud évoque la disparition de sa  fille, Sophie, la mère de l’enfant. .

« L’enfant a perdu sa mère, écrit Freud, alors qu’il était âgé de cinq ans et neuf mois. Cette fois la mère était réellement partie au loin (o-o-o-), l’enfant ne manifestait pas le moindre chagrin. Entre temps d’ailleurs, un autre enfant était né qui l’avait rendu excessivement jaloux ».

Alors cette dénomination choisie par   Freud, celle de pulsion de mort, comme étant un au-delà du principe de plaisir,  n’est-elle pas liée à la cruelle disparition de sa fille ?

Ce texte même ne serait-il pas, pour Freud, le douloureux travail de symbolisation  autour de ce réel littéralement impossible à assumer, la perte d’un enfant ? Nul bien sûr ne peut l’affirmer mais la question mérite d’être posée.

Ce désir de retourner à l’inanimé, ce désir de mort, fait penser à la légende de Niobé qui, pleurant la mort de ses enfants, fut changée en pierre mais, née  de ses larmes,  une source coulait de ce rocher, source de vie. 

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  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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