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Le livre bleu de la psychanalyse
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10 septembre 2006

Superstitions

mw709

La structure d’une névrose obsessionnelle est approchée par Freud avec l’aide de termes qui riment entre eux, obsession, compulsion, superstition. Echappe à cette série, le doute.

La superstition est définie comme une « croyance irrationnelle à l'influence, au pouvoir de certaines choses, de certains faits, à la valeur heureuse ou funeste de certains signes ». (Furetière)

A propos de superstition, en Corse, c’était la coutume, enfin du temps de ma jeunesse, de mettre au cou des bébés un brin de corail qui avait une forme allongée et qu’on pouvait tout à fait interpréter comme un symbole phallique.  Il avait pour but de protéger ces enfants du « mauvais œil ». De même quand une femme s’extasiait devant un bel enfant au fond de son landau ou de son berceau et disait « quel beau bébé ! » aussitôt, il fallait prononcer cette phrase destinée à le protéger de sa jalousie éventuelle qu’elle était sensée éprouver par cette formule « que le Bon dieu le bénisse ! » autrement dit qu’il le protège de ces désirs de morts.

C’est une jolie démonstration des nécessités de la métaphore paternelle, même si elle se révèle un peu faiblarde, dans la mesure où on est obligé d’en appeler à la bienveillance de Dieu, pour protéger cet enfant de la jalousie d’une autre femme.

Ce qui prouve bien dans ces faits de superstition que les protagonistes sont au fait de cette jalousie inconsciente qui vise l’objet du désir de l’Autre, voire le souhait de sa destruction. Car c’est cela le mauvais œil, c'est jeter un regard mauvais, un regard qui tue.

Etre superstitieux, c’est prendre en compte les désirs inconscients, les siens et ceux des autres, savoir qu’ils ne sont pas forcément pleins de mansuétude à l’égard d’autrui, et avoir surtout peur qu’à les avoir  seulement pensés, ils peuvent se réaliser. Cela tient à la magie.

Dans le texte de l'Homme aux rats, Freud donne quelques exemples de ces mauvais souhaits qui se réalisent, mais c'est peut-être aussi, comme pour les souvenirs- écrans qui sont construits, en fait,  au moment de la puberté et reportés ensuite au temps de l'enfance, ces souhaits peuvent prendre de l'importance, être réveillés une fois l'événement souhaité survenu. Mais pas toujours. 

Freud raconte, dans le journal d’une analyse (1), comment Ernst avait souhaité la mort d’un de ses voisins, pour pouvoir occuper sa chambre, dans la maison de santé où il se trouvait. Quand il sut que « Le Professeur » avait pris sa chambre il s’écria furieux « que l’apoplexie le frappe ! ». « Deux semaines plus tard il fut troublé dans son sommeil par l’idée d’un cadavre. Il l’écarta, mais le lendemain matin, il apprit que le Professeur avait réellement été frappé d’apoplexie ». Comment ne pas être  ensuite terrifié par le fait que son souhait s’était réalisé ? 

Dans son ouvrage « Psychopathologie de la vie quotidienne », Freud reprend cette question de la superstition, il en donne une approche théorique plus élaborée :

« Celui qui a eut l’occasion d’étudier à l’aide de la psychanalyse les tendances cachées de l’homme se trouve en état de connaître pas mal de choses sur la qualité des motifs inconscients qui se manifestent dans la superstition. Chez les névrosés, souvent très intelligents et souffrant d’idées obsédantes et d’états obsessionnels, qu’on constate avec le plus de netteté que la superstition a sa racine dans des tendances refoulées d’un caractère hostile et cruel. La superstition signifie avant tout attente d’un malheur, et celui qui a souvent souhaité du mal à d’autres, mais qui dirigé par l’éducation, a réussit à refouler ces souhaits dans l’inconscient, sera particulièrement enclin à vivre dans la crainte perpétuelle qu’un malheur ne vienne le frapper à titre de châtiment pour sa méchanceté inconsciente » (2).

Je me pose une question, est-ce que cette crainte obsédante que quelque chose n’arrive à sa Dame et à son père même dans l’au-delà, donc cette obsession de l’Homme aux rats   n’était pas elle-même une manifestation de sa superstition ?

Comme si la superstition était première et que c’était elle qui engendrait des obsessions, obsessions qui  créaient à leur tour, comme un système de défense, des compulsions, des actes compulsionnels, et plus complexes encore, des cérémonials compliqués, des rituels, analogues à des cérémonies religieuses, cérémonies d’une religion secrète et privée que se révèle être la névrose obsessionnelle.

(1)Journal d’une analyse (L’homme aux rats), PUF,  p. 97.

(2) Psychopathologie de la vie quotidienne, Payot,  p. 297.

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Commentaires
J
que "pourrait" signifier la croyance - superstitieuse - que les arbres creux sont encombrés d'esprits maléfiques ?<br /> Merci déjà.
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Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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