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Le livre bleu de la psychanalyse
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13 septembre 2006

Les motivations inconscientes du criminel, du délinquant… et de ses juges

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Parmi le bouquet des trois textes que Lacan a consacré à la question de l’agressivité en psychanalyse et son extension dans le champ social, textes qui datent des années 1948, l’un d’eux a pour titre « fonction de la psychanalyse en criminologie ». Dans ce texte, il fait référence à des ouvrages écrits par des analystes contemporains de Freud. Il cite en effet Auguste Aichhorn, qui s’est occupé des questions de la délinquance des jeunes, avec une approche analytique, Kate Friedlander qui a étudié ce qu’elle appelle les « personnalités névropathiques » mais évoque surtout un ouvrage paru en 1928, écrit par Alexander et Staub qui a pour titre «  Le criminel et ses juges ».

L’originalité de leur démarche est de mesurer à l’aune des motivations inconscientes qui sont les mêmes, à la fois les criminels et leurs juges. De ces motivations nous en retrouvons trace dans l’histoire de l’Homme aux rats. Il était en effet docteur en droit et après avoir terminé ses études avait trouvé du travail. Or, parmi toutes ses obsessions,  il était souvent obligé de demander à son ami, s’il pensait qu’il était un grand criminel et avait à chaque fois besoin d’être rassuré par lui. Freud souligne que ces obsessions augmentaient en intensité et en nombre lorsqu’il s’occupait de droit pénal, c'est-à-dire de cette partie du droit qui concerne l’évaluation des peines en fonction des crimes et des délits.

Ainsi au moment où ils s’interrogent sur le sens des aveux d’un criminel et sur le fait qu’il ne peut que se contredire en raison de la surdétermination de tout acte, y compris de tout acte criminel, Alexander et Staub franchissent résolument la barrière qui sépare en principe le criminel de ses juges, et commencent à s’intéresser donc aux motivations inconscientes qui président au choix de leur carrière, de leur métier.

Ce sont des faits connus, mais il n’est pas inutile de les rappeler, de les reformuler.

« La psychanalyse, écrivent ces auteurs, montre qu’on peut en même temps consciemment aimer et inconsciemment haïr le même être et vice-versa. On tue donc à la fois par haine et par amour… Et la même surdétermination vaut autant pour les aspirations criminelles que pour les actions socialement reconnues. Le sadique colonial a, pour rationaliser vaguement l’épanouissement de sa cruauté, la tâche d’éduquer, par une sévère discipline, les sauvages en hommes sociaux. Ainsi, il est vrai que, dans d’autres proportions, on trouve les deux tendances opposées, la volonté sociale consciente d’éduquer et le cruel instinct de domination qui agit chez tous les éducateurs ».

Plus loin il rajoute « le psychanalyste sait trop bien que, dans des professions socialement très importantes et considérées, comme celle de chirurgien ou de procureur de la république, une composante sadique domestiquée joue un rôle important et peut souvent avoir  été décisive dans le choix de la profession. »

S’il en est ainsi, pour ces professions, qu’en est-il du choix du métier de psychanalyste ?

C’est la raison pour laquelle une longue analyse est nécessaire pour que ces motivations inconscientes qui ont présidé à ce choix aient été explorées et mises à jour. Le chemin accompli se mesure à la distance qu’il y a entre ces deux formulations, celle du désir de devenir ou d’être psychanalyste et ce que Lacan a appelé « désir du psychanalyste », c’est ce désir-là qui est mis en jeu dans chaque analyse entreprise, avec chacun des analysants. Mais à chaque fois entre ces deux termes - « désir d’être analyste » et « désir du psychanalyste »-  sont mis à l’épreuve et, seul le dernier, devrait pouvoir emporter la partie avec ce « du » qui indique que  l’analyste a abandonné  son narcissisme pour pouvoir occuper cette place du psychanalyste, au cœur de ce que revit, dans le transfert,  l’analysant.

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  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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