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Le livre bleu de la psychanalyse
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16 septembre 2006

La salle d’audience du sujet névrosé

Où il se met lui-même en accusation

jugement

Cet été, j’ai lu un livre que j’ai beaucoup aimé qui s’appelle « le criminel et ses juges ».  Ce livre écrit par des psychanalystes de la génération de Freud aborde la question du crime et de sa punition par la justice dans une approche analytique tout à fait neuve, en fonction des désirs de meurtre inconscients de tout un chacun, y compris bien sûr des juges.

Lacan a pris appui sur cet ouvrage, entre autres, pour écrire et déployer surtout son argumentation dans son texte des Ecrits «  Fonctions de la psychanalyse en criminologie ».

Je vous cite un passage de ce livre qui a été écrit en 1928, par Alexander et Staub. C’est paru à NRF. Je l’ai trouvé sur Internet, d’occasion.

Le titre du chapitre est en lui-même déjà très éclairant : « La théorie psychanalytique de la formation du symptôme névrosique comme fondement de la psychologie criminelle ». Autrement dit, les auteurs partent tous les deux de la métapsychologie de la névrose, pour éclairer analytiquement ce qu’il en est des actes criminels.

« Un examen psychanalytique du criminel et du crime qui puise son matériel scientifique tout entier surtout dans la connaissance psychanalytique des névrosés, ne peut pas éviter, avant d’entrer dans ces problèmes spéciaux, de donner au moins dans un court exposé, les résultats de la théorie analytique des névroses… La névrose est donc l’épanouissement, dans le domaine intrapsychique, des tendances asociales de l’homme cultivé. Elle est dans son contenu psychologique et dans sa structure, une fidèle répétition de la justice pénale de l’histoire primitive » -(Il s’agit, on peut le croire d’une justice expéditive).-  « La faute et le châtiment représentent le contenu de toute psychonévrose, sauf que tout cela ne se déroule pas dans le monde réel des actions, mais dans le monde imaginaire des symptômes.Nous ne retrouvons pas seulement dans la psychologie des névroses… Le principe du talion ; nous pouvons encore reconstruire par l’inconscient le contenu de problèmes sociaux des temps primitifs. Le crime originel sous la forme de l’inceste et du parricide et même la forme de la peine primordiale, la castration.  C’est une impression étrange, au premier moment même surprenante, que celle du médecin biologiquement éduqué, qaund il fait pour la première fois connaissance avec la théorie psychanalytique des névroses et subitement entend exprimer la nature de ces maladies dans une langue étrangère à lui, en tout cas inaccoutumée dans les sciences naturelles, une langue en partie littéraire, en partie juridique, et de concepts criminologiques […] Il entend parler de faute et d’expiation, de sacrifice et de pénitence, de corruptibilité, de la sévérité des instances psychiques, de besoin d’être puni et d’aveu obsédant. Il a appris jsuqu’alors à à connaître le système des os et des muscles, la circulation du sang, la composition physico-chimique du corps humain… et la psychanalyse le conduit subitement dans une salle d’audience remplie de l’esprit excessivement primitif des peuples primitifs ou de l’enfant, et il apprend que cette salle d’audience existe aussi dans la personnalité de l’homme, plongée dans l’insconscient […] et ainsi se produit cette remarquable métamorphose : le médecin issu d’un enseignement physico-chimique devient subitement, pour comprendre et soigner certaines maladies, un psychologue criminel et doit se plonger dans une étrange justice pénale barbaro-primitive, dont le meurtre, l’inceste, la castration, forme le thème principal. Ainsi le chemin de la théorie psychanalytique des névroses jusqu’à la salle d’audience nous paraît plus court que le chemin jusqu’à l’anatomie et à la physiologie du cerveau et jusqu’à la chimie physique des phénomènes somatiques. »

Ce passage qui fait du névrosé, de tout névrosé, un criminel, de sa névrose, « une salle d’audience où il se défend de sa culpabilité, comme un beau diable, et du médecin devenu psychanalyste, un spécialiste de la criminalité, nous éloigne en tout cas beaucoup des espoirs injustifiés des neuro-sciences de reconquérir le champ de la psychanalyse.

Mais je voudrais aussi vous faire part d’une remarque de Freud dans le journal de cette analyse, remarque qui m’avait en partie échappée au cours de mes précédentes lectures.

Nous savons que Ernst était de formation juridique, il avait l’équivalence d’une licence en droit. Malgré de nombreuses inhibitions il avait réussi à terminer ses études et à trouver du travail. Donc l’analyste signale, à ce propos, que « dans son activité professionnelle, ses obsessions n’apparaissaient que lorsqu’il s’agissait de droit pénal ».

Autrement dit lorsqu’il s’agissait de déclarer ou non quelqu’un coupable et de lui attribuer une peine à la mesure de sa faute, des circonstances atténuantes ou aggravantes, c’est là qu’il recommençait à se poser des questions sur ses propres désirs criminels.

Je voudrais aussi rajouter que dans cette salle d'audience du sujet névrosé, quand l'analyste y pénètre, selon le transfert, il doit y avoir des moments où il occupe toutes les places des différentes "instances" psychiques : quand il occupe la place du surmoi, il est juge, comme petit autre, en tant que moi idéal, il doit être partie adverse ; Comme Idéal du moi il se fait avocat du sujet. Mais je ne sais à quelle instance appartiendrait l’analyste si jamais il se faisait, comme on dit, « avocat du diable ».

En tout cas, à la fin d'une analyse, il me semble que c'est le sujet, l'analysant, qui doit pouvoir s'acquitter lui-même. La faute, sa faute, est celle de tout être humain, c'est celle qui fait de lui un homme, un homme comme son père … ou une femme comme sa mère, en tant qu’elle est la femme du père, la cause de son désir.

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  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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