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Le livre bleu de la psychanalyse
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12 octobre 2006

Si la guerre des sexes m’était contée…

San_Marco__Noe_envoie_la_co

Je vous recommande un merveilleux petit livre écrit par une femme juriste, Marcela Iacub. Il a pour titre « Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ? ». C’est plein humour et d’ironie. Les titres des chapitres sont choisis, avec fantaisie, tels « la belle au bois violée », « les confessions d’Orchidée », avec sérieux, « Impossibles paternités », dans la provocation, « Mères machines ».

Pour introduire ce récit, elle dit s’appeler d’un nom plein de promesses, promesses qu’elle tient : Louise Tugène.

 La première femme qu’elle fait entrer en scène en tant que féministe militante est sa tante avec laquelle elle se bagarre sur la question de la prostitution. C’est ainsi qu’elle aborde la question du féminisme et de ce qui est en quelque sorte son cheval de bataille : « Elle était très radicale et considérait que cette question de la prostitution était centrale dans son combat politique. Elle me disait toujours que c’était ses convictions à l’égard de la prostitution qui l’avaient éloignée de toute idée de mariage et de vie commune avec un homme. Car, affirmait-elle, son amour pour Philomène était purement politique et directement inspiré de sa position à l’égard de la prostitution… Elle disait avoir été éclairée dans ces combats par la pensée des féministes américaines, qui lui avaient révélée en même temps son esclavage et les moyens de s’en libérer. Elle disait que tant que les femmes seront dominées par les hommes, tant qu’elles seront une classe opprimée, aucun rapport sexuel avec eux ne pourra être libre. Par conséquent chaque fois qu’une femme couche avec un homme on a affaire soit à un acte de prostitution soit à un viol (tout en sachant d’ailleurs que la prostitution est une forme de viol ».

 Cette chère Louise Sans-gène ne manque certainement pas d’arguments pour répondre avec quelque pertinence à sa tante. Elle avance tout d’abord que son amie Angèle s’est avantageusement prostituée deux fois par semaine pour pouvoir se payer des études et devenir ainsi vétérinaire, ce qu’elle, elle, n’a jamais pu faire, alors qu’elle adore soigner les animaux. Son amie déclarait en effet que c’était plus lucratif et plus agréable que d’être obligée de travailler chez McDonald’s.

Quant à cette question de l’exploitation des prostituées par des souteneurs ou des membres de la mafia, Louise fourbit un argument imparable : Est-ce que du fait de l’existence de sordides ateliers clandestins où se fabriquent des vêtements bon marché, il serait pour autant venu à l’idée de quelqu’un d’interdire la couture ? Il doit en être de même pour la prostitution.

 

Mais elle continue à réfléchir sérieusement à cette question et se demande quand même si sa tante et les féministes n’en faisaient pas une arme politique «  afin que les femmes prennent conscience de la nécessité de renoncer à toute sexualité avec les hommes tant qu’il y aurait des inégalités entre les sexes, (ce qui voulait dire, dans leur pessimisme viscéral, d’y renoncer à tout jamais ».

 A force d’y réfléchir, elle trouve en défaveur de la prostitution un argument qui lui parait être de poids en se référant à un proverbe que lui avait rapporté une amie argentine (Louise a plein d’amies). Ce proverbe est le suivant : « La différence entre se masturber et avoir des rapports sexuels, c’est que, dans cette deuxième activité, on rencontre du monde ». Donc, avec la prostitution, on rencontre certes du monde mais ce n’est jamais pour longtemps. Ce sont des rencontres de passage qui s’opposent donc à ce qu’on fasse couple puis famille, quelque soit par ailleurs sa forme, biparentale, monoparentale et recomposée.

 Au moment du vote de la loi qui a pour visée de punir les clients des prostituées, sa tante est au comble de la joie « Enfin, ces salauds vont payer, s’écrie-t-elle ? » Louise s’étonnant de cette réaction lui demande « Mais qu’est-ce qu’ils t’ont fait ma tante ?... Ce monde immonde est de leur fait, ce monde dans lequel règne le capitalisme sauvage et mondialisé,  le racisme, le sexisme… »

 Ah ! Si les femmes gouvernaient ! « Il faut qu’advienne le royaume des femmes avec leur amour, leur capacité maternelle de tendresse ; Substituer au phallus l’utérus, qui, lui sait accueillir les étrangers, les malheureux, les autres, car les femmes ont cette capacité magique d’accueillir les autres en elles-mêmes. »

En écoutant son père, opposé aux thèses de la tante, Louise en arrive à cette conclusion que « peut-être qu’une bonne guerre entre les sexes en aurait-elle fini avec les inégalités entre les hommes et les femmes, ou plutôt avec la guerre elle-même. »

Louise se réfère-t-elle ainsi à cette célèbre phrase : « Et la guerre cessa, faute de combattants »?

Rien n’affirme que ces valeureux combattants des deux sexes réussiront à faire la paix, peut-être finiront-ils tous par s’être entre-tués. Ce serait bien dommage.

 Mais je continuerai ma lecture et je vous raconterai la suite de son époustouflante démonstration.

Ce livre est intéressant parce qu’il donne une approche de ce qu’il en est de la lutte entre les sexes en 2002, année de la parution de ce livre. Il réactualise donc ce que Lacan en évoquait, en 1948, dans son grand texte « L’agressivité en psychanalyse », notamment dans sa dernière partie, thèse V. : « … pour abolir le polarité cosmique des principes mâle et femelle, notre société connaît toutes les incidences psychologiques propres au phénomène moderne dit de la lutte des sexes. » Il en fait une des raisons de cette barbarie qui consiste à détruire des formes culturelles existantes. Il y a des révoltes souhaitables qui introduisent des progrès dans l’énonciation des lois, il y en a d’autres qui sont destructrices. Avec Marcela Iacub, nous pouvons saisir en quoi, elles sont destructrices. C’est ce point de son argumentation que je reprendrai pas à pas, notamment dans cette partie de son livre qu’elle appelle « Impossibles paternités ». La question de la fonction du père y est posée avec acuité, mais certes pas dans le droit fil de l’approche freudienne.

En choisissant d’évoquer ce livre de Marcela Iacub, je n’ai pas travaillé dans la dentelle, pas plus qu’elle. Que cette provocation me soit pardonnée !

Pour tenter de l’atténuer, j’ai choisi cette fresque de la Cathédrale Saint Marc, celle où Noé envoie en messagère, une colombe de la paix.

 
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Commentaires
B
Nous en avons assez, femmes et hommes "à peu près normaux" (sic) d'être envahis et manipulés par une engeance de Machos paranoïaques d'un côté, et une bande de lesbiennes dysharmoniques de l'autre.....
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F
Merci de vos réponses, je vais essayer de répondre à cette question que pose Ingrid, le rapport qu'il y a entre féminisme et féminité. En première approche, je dirais que c'est l'extension dans le champ social, des effets du complexe de castration féminin, mais il n'est pas non plus sans rapport avec ce qui lui répond en quelque sorte, l'extension dans le champ social, des effets du complexe de castration masculin. Mais je vais travailler un peu plus cette question. Liliane.
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I
Bonjour Anti_fer<br /> <br /> C’est vrai que certaines femmes veulent se soumettre, mais est-ce que ça veut dire qu’elles veulent réellement que ça se passe ?<br /> Certaines le reconnaissent, mais ça n’est pas facile pour toutes et à vivre.<br /> Certaines peuvent penser que c’est l’homme qui veulent les soumettre; est-ce ce qu'elles croient ou est-ce vraiment le cas?<br /> <br /> Comment savoir si c’est son désir ou si c’est le désir de l’autre ?<br /> Je trouve que le discours féministe l’étouffe. <br /> <br /> Amitiés<br /> Ingrid
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A
Bonjour Liliane,<br /> Je vous lis et, par ricochet ... j'ai envie de lire Marcela Iacub : je vais donc me précipiter chez un libraire pour dévorer son livre et répondre à sa question "Qu'avez-vous fait de la liberté sexuelle ?"<br /> J'ai un peu peur que beaucoup de femmes n'aient trouvé dans cette liberté qu'un moyen de s'affirmer contre l'Autre ... celui qui, depuis la nuit des temps, les a soumises alors qu'elles se sont elles-mêmes soumises à son bon-vouloir !<br /> Je connais quelques féministes notoires qui, parodiant leur néo-connaissance d'elles-mêmes, ne veulent faire l'amour que lorsqu'elles sont dessus ... pour enfin dominer : où est le progrès ?<br /> Quand vous pensez que la progression des femmes dans la Vie politique est très souvent freinée par ... d'autres femmes, là encore ... où est le progrès ?
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M
J'attend avec impatience la continuation. Merci Lilianne de tout ton travail ! Je n'ai pas compris la référence aux dentelles, mais bon, ça va dans le sens de mon travail sur l'In de la psychanalyse brésilienne ;-) Heureusement que je peux te suivre par la net ! Ici, c'est une désolation... Le problème de l'homme c'est qu'il n'est pas entier avec une femme, la femme est partagée pour lui, ah oui, ça reprend Freud, la mère et la prostituée, et nous, ns ns voyons prises dans cette dychotomie... non?<br /> Bises !
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Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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