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Le livre bleu de la psychanalyse
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14 novembre 2006

Luttes intestines entre institutions analytiques

5859_Daumier_InfirmitiesC'est un fait bien connu qu'existent des relations de rivalités et de jalousies, voire de haine, entre les différentes institutions analytiques, on ne peut guère le leur reprocher car, comme tout groupe humain, elles n'échappent pas aux lois de son fonctionnement et notamment à cette fondamentale nécessité d'avoir un ennemi extérieur, qui déviant la haine vers lui, maintient ainsi, sinon dans l'amour, au moins dans la cohésion, chacun de ces groupes.

Mais je crois quand même que ces luttes, qui peuvent paraître, vue de l'extérieur,  "intestines", méritent  quelquefois  d'être soutenues fermement, d'un point de vue théorique, par exemple, c'est le cas des divergences de vue entre Lacan et Maurice Bouvet, dans leurs approches respectives de la névrose obsessionnelle. Lacan s'insurgeait  en effet contre  la façon dont Bouvet se situait dans sa fonction d'analyste,  se donnant comme une sorte de modèle, d'idéal du moi, ou de moi idéal, critère de normalisation pour l'analysant. Mais ces "luttes"  ne sont intéressantes que lorsque ces échanges sont pris au niveau des textes auxquels on peut se référer.
Une des "luttes" actuelles qui serait  à soutenir fermement, serait celle de s'ériger contre le fait que les neuro-sciences viendraient corroborer ce que Freud avait découvert du mode de fonctionnement de l'appareil psychique, ramenant  ainsi, subrepticement, la psychanalyse, dans le giron de la médecine, giron que Freud avait résolument abandonné, en inventant la psychanalyse,  son texte "Eloge funèbre de Charcot, laissant preuve écrite de cet abandon.

D'autre part, dans ces luttes fratricides, il est courant de voir opposer, soit dans l'admiration la plus béate, soit dans le rejet le plus total, les lacaniens et les non-lacaniens. Je ne crois pas que cela ait grand sens de  répartir ainsi les analystes.
Je trouve tout d'abord qu'il est absurde de se qualifier ou d'être qualifié d'un adjectif  fabriqué à partir du nom propre de quelqu'un d'autre. Cela va tout à fait à l'encontre des positions subjectives de l'analyste, par rapport à la psychanalyse, si celle-ci ne peut être que réinventée par chaque analysant. 

Mais de plus, tout comme  on ne peut pas dire toutes les femmes,  il me semble qu'on ne peut pas dire non plus "tous les lacaniens", parce qu'il y a mille et une façon d'être lié à Lacan. Les uns étaient ses analysants, d'autres ses élèves, certains suivaient ses séminaires ou les lisaient.
En un temps, quand il était à la mode, se dire lacanien  pouvait relever du snobisme. Au moins maintenant nous sommes débarrassés de ces lacaniens snobs - c'est toujours ça de gagné - et peut-être que bientôt, cela sera vraiment mal vu et, sans doute, pas pour rien.

Quant aux analystes d'autres écoles, dits non-lacaniens,  il y a belle lurette qu'ils se réfèrent à Lacan et à l'inconscient structuré comme un langage. 

Mais il y a un argument de plus pour refuser cette bipartition centrée autour du nom de Lacan et de son adjectif, il ne faut quand même pas croire que nous avons tous - analysants ou analystes -   des oeillères,  il y a bien d'autres travaux d'analystes qui sollicitent notre attention et notre intérêt. Je pense par exemple à ce délicieux petit livre de Winnicott qui s'appelle "Lettres vives" et aussi aux  bouquins de Aichhorn et de Kate Friedlander qui  ne sont pas du tout démodés dans leur approche des questions de la délinquance. Cela ferait grand bien à nos hommes politiques d'aller y jeter au moins un petit coup d'oeil, ça leur éviterait de raconter quelques énormes bêtises, ce qui ne veut pas dire pour autant que ça leur permettrait de trouver des solutions autres que celles d'une démarche analytique donc au un par un. 

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Commentaires
B
Que les psychanalystes en soient toujours là montre que la guérison ne vient que par surcroît! Là, Lacan a eu raison!
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I
Bonjour Liliane et Odile<br /> <br /> Oui et aussi, j'imagine que chaque psychanalyste a sa personnalité.<br /> Peut-être que se dire lacanien(ne), freudien(ne)... c'est comme se coller une étiquette, tout comme nous analysant(e)s on peut s'en coller une ou on peut nous en coller une avec un diagnostic, alors que ça ne fait pas de nous ce que nous sommes?<br /> Et puis, je crois que chaque relation analyste-analysant(e) est unique :-)<br /> <br /> Amitiés<br /> Ingrid
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F
Chère Odile, merci pour cette anecdote amusante en effet mais je maintiens quand même que c'est un peu drôle de s'attribuer ou d'attribuer un adjectif qualificatif fabriqué avec le nom de quelqu'un d'autre, aussi respectable et admiré fût-il. Par contre je trouve que cette assertion de votre analyste démontre quand même la nécessité de lire Freud et de le lire avec soin pour pouvoir lire Lacan, mais lire Lacan n'implique pas pour autant d'être lacanien, pas plus que de lire Freud et de se référer à ses textes implique d'être freudien. <br /> Mais c'est vrai que ce qualificatif de lacanien qui sert si souvent ou de parure ou d'injure m'incommode un peu. Amicalement. Liliane.
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O
Je ne résiste pas à raconter "ma petite histoire avec Lacan".<br /> <br /> Quand je suis allée voir ma psy pour la première fois, je lui ai dit "je veux une femme, pas médecin, pas lacanienne". C'était déjà suspect. J'avais eu son nom par mon médecin, et mon père était médecin. Et je m'étais sentie éjectée quelques années avant par un lacanien. Elle m'a répondu avec un grand sourire "Je suis freudienne". Bon, ça m'allait, psychanalyse=Freud.<br /> <br /> Ce n'est que bien plus tard, après avoir fait un lien avec ma sensation d'exclusion, quand j'étais étudiante en sciences, d'un groupe d'amis plus âgés philosophes et théologiens, qui parlaient entre autres de ... Lacan, que j'ai remarqué sur les étagères la rangée de Scilicet, et les séminaires dactylographiés. Et voilà, réconciliation !<br /> <br /> Odile
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Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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