Feuilles de soins, feuilles de maladie ou feuilles de participation à l'analyse
Certains analystes, c'est un fait bien connu, signent des "feuilles de maladies" car il ne veulent pas demander à l'analysant plus qu'il ne peut payer pour avoir la possibilité de faire une analyse.
La signature de ces feuilles de soins est donc financièrement plus confortable pour l'analyste. Elle lui assure un revenu plus important et régulier par rapport aux prix des séances que pourrait payer l'analysant, en fonction de ses revenus à lui. Mais elles ne sont pas bénéfiques pour l'analysant, en raison de ce statut de malade, de soigné, de patient, qu'elles lui donnent.
Mais elles ne sont pas non plus bénéfiques pour celui qui devrait être en position d'analyste, car lorqu'il signe des feuilles, quoiqu'il puisse en dire, il garde son statut de médecin psychiatre.
Or il faut quand même choisir. Ou on est psychiatre, ou on est analyste, et c'est difficile de jouer sur les deux tableaux à la fois. Ou on soigne avec des feuilles de soin, ou on analyse.
Je sais bien qu'on va me répondre " oui mais, même en signant des feuilles de soin, on écoute". C'est vrai, pourtant cela ne suffit pas, car le cadre symbolique qui est ainsi posé, pour que l'analysant parle et soit entendu, n'est pas indifférent. Il suffit de lire pour cela avec attention les règles techniques que Freud a posées concernant les débuts d'une analyse avec le temps et le prix des séances.
Autour de cette question de l'argent, c'est là que l'on retrouve la différence entre l'actif et le passif, entre le participe passé et le participe présent, entre le soigné et le soignant, entre l'analysé et l'analysant.
L'analyste n'est là que pour permettre à l'analysant de mener à bien ce que Lacan a appelé "la tâche psychanalysante". De cette tâche, il en est responsable, c'est à lui de la mener à bien, même si, par son acte, l'analyste est là pour en créer les conditions. La participation financière de l'analysant, à la mesure de ses moyens, constitue la preuve de son engagement dans ce travail et lui donne les moyens aussi de s'acquitter de sa dette vis-à-vis de l'analyste.
C'est ce à quoi fait obstacle cette pratique issue de la médecine, celle qui consiste à signer ces feuilles de maladie.
Il faudrait donc trouver d'autres solutions : proposer par exemple de débaptiser ses feuilles de maladie et les appeller "Feuilles de participation aux frais de l'analyse". Cela aurait un triple avantage -permettre à tous ceux qui le souhaitent d'entreprendre une analyse mais en la payant en partie de leurs deniers.
- Permettre à l'analyste de gagner sa vie décemment.
- Mais aussi cela pourrait de mettre fin à la totale gratuité des analyses dans les centres gérés par l'Etat, puisqu'il il pourra être ainsi demandé, ce qui n'est pas possible actuellement - aux analysants de participer eux aussi en argent au travail de leur analyse. "En argent", ce qui évite de devoir payer, comme on dit, "en nature", à savoir au prix de leurs symptômes.