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Le livre bleu de la psychanalyse
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15 janvier 2007

Lettres à Nathanaël

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Le dernier livre que j’ai écrit et que je veux vous présenter aujourd’hui est une invitation à la psychanalyse.

J’aime bien ce mot d’invitation car il évoque tout de suite un accueil chaleureux dans un lieu que l’hôte souhaite vous rendre agréable. Je vous convie donc  à une sorte de  festin, mais un festin qui ne serait  composé que de mots. Le lieu du festin est celui de la psychanalyse, un lieu où chacun devrait pouvoir se sentir comme chez soi, car nous sommes tous- sans exception - soumis aux fantaisies voire à la détermination de notre savoir inconscient. Ce savoir l’expérience de l’analyse nous révèle qu’il entend bien n’en faire qu’à sa tête et à nous mener tous par le bout du nez.

Je vous invite donc avec cet ouvrage  à la découverte des mille et un tours que peut nous jouer l’inconscient certes du côté des symptômes et des inhibitions, mais aussi des plus belles fleurs de la civilisation, celles des poètes, des peintres et des savants

J’ai donné à ce livre la forme de lettres  pour pouvoir aborder tous les aspects actuels de la psychanalyse : la psychanalyse et l’argent, la psychanalyse et Internet et aussi bien la brûlante, très brûlante question de la formation du psychanalyste en tenant compte du fait qu’il n’y a pas de transmission de la psychanalyse, comme l’affirmait Lacan, les dernières années de son séminaire, et qu’elle ne peut donc qu’être réinventée à chaque fois, par chaque analysant quand il devient psychanalyste.

J’ai emprunté à un  poète de notre temps, à André Gide, le prénom de Nathanaël. C’est ainsi que j’ai appelé ce nouveau venu dans le champ de la psychanalyse, celui auquel j’ai adressé ces lettres. 

De mes lectures adolescentes, j’ai en effet encore gardé en mémoire  cette incantation de Gide rythmant son texte poétique dans « Les nourritures terrestres »,

« Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur »

Dans ces lettres à un nouveau venu, j’ai souhaité écrire, comme le poète : « Nathanaël, je t’enseignerai  la ferveur », la ferveur de la psychanalyse, celle qui, seule,  lui permet de survivre car elle est tout à la fois, bouillonnement, ardeur, chaleur.

Voici un fragment de l’une de ces lettres :

Cher Nathanaël, cette nuit j’ai fais un rêve, il t’était adressé. Nous nous trouvions au centre d’une maison. Deux escaliers s’y rejoignaient, l’un venant du grenier, l’autre de la cave. Mais les portes de chacun d’eux faisaient obstacle au passage de l’un à l’autre. Parmi les associations d’idées de ce rêve, j’ai tout de suite pensé à cette expression « j’ai tout visité de la cave au grenier ». Je ne te fais part ainsi que du désir préconscient de ce rêve qui est de t’aider à franchir un obstacle dans l’approche de mes lettres qui deviennent maintenant plus difficiles d’accès.

Tel qu’il est ce rêve n’est pas interprété, encore qu’on puisse y lire, au premier coup d’œil, un rêve d’exploration anatomique du corps de la mère. La phrase, j’ai tout visité de la cave au grenier pourrait sans peine être complétée par celle-ci « et je n’ai rien trouvé ».

Mais par rapport à mon souci qui est de donner accès à des notions profondément enfouies parce que refoulées, verrouillées même à double tour, cette maison pourrait être aussi celle de la psychanalyse. Au grenier se trouvent les témoignages de son histoire, parmi eux, les lettres et les ouvrages de Freud, les séminaires de Lacan et de tous ceux qui ont compté pour moi.

Tous les enfants montent volontiers explorer les trésors d’un grenier, ils peuvent même y passer de longues heures, mais l’escalier de la cave est plus inquiétant et donc plus difficile à atteindre. Comme dans mon rêve, le passage en est, en grande partie, obstrué. Il donne accès au savoir inconscient de chacun, mais il est sombre, un peu rude, il comporte moins de séductions que le charme un peu suranné des greniers de notre enfance. Cher Nathanaël, c’est pourtant dans cet escalier de la cave, que je t’emmène. On ne peut y avoir accès sans effort. Mais tu verras combien de surprises il nous réserve ! »

Dans les pages  qui suivaient je comptais en effet aborder une question bien ardue : toutes les difficultés que  rencontrent  les hommes et les femmes pour arriver à se reconnaître et à se compter comme tels, les uns par rapport à la femme qu’ils aiment, les autres,  par rapport à l’homme qui les aime et qu’elles pourraient aimer. C’est en effet le grand - pour ne pas dire l’unique - objet d’intérêt de la psychanalyse.

Et dans cette difficile rencontre entre un homme et une femme, rencontre amoureuse, que Lacan définit comme une rencontre entre deux savoirs inconscients, le père, la fonction du père est décisive. Il en pose en effet les conditions.

Tout d’abord, il permet à l’enfant de s’affranchir du désir de sa mère. Le père intervient en tant qu’il interdit à la mère de s’accaparer son produit, de son objet phallique.  Il empêche donc  l’enfant d’être asservi à son désir. Mais il lui sert aussi de modèle, il indique en effet au garçon ce qu’il faut faire pour se comporter en homme, il lui montre et je dirais même lui démontre aussi l’amour qu’il éprouve pour une femme, une femme qui en tant que la cause de son désir, de ce fait même, le castre, le fait sujet désirant.

Pour la fille, ce désir du père pour une femme, lui montre à elle aussi le chemin de son propre désir, celui d’accepter d’être désirée par un homme et en retour d’être satisfaite par lui.

Mais cette fonction du père est soumise à un très redoutable danger, danger qui, cette fois-ci, est mis sous l’entière dépendance des femmes, de chaque femme. Car il est en son pouvoir, j’entends le pouvoir de chaque femme, de soutenir la parole du père, de faire que sa parole ne compte pas pour du beurre, que ce qu’il dise ait du poids pour elle et donc pour son enfant.

Quand cette fonction du père est dévalorisée dans le champ social, quand il arrive qu’il ne joue plus le rôle que d’organe de jouissance ou même d’organe reproducteur, cela a des effets en contre coup dans cette petite cellule élémentaire du champ social que constitue la famille. Mais cela mériterait bien sûr d’amples développements, ce qui fait que cette question reste grande ouverte.

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Commentaires
B
IL parait que le texte hébraïque ne dit pas<br /> "Tu respectera père et mère" <br /> mais: "tu donnera du poids à père et mère"... <br /> Ils ne doivent pas compter pour du beurre donc!<br /> Magnifique non?<br /> je tiens ça de D. Sibony
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I
Chère Liliane<br /> <br /> On est bien chez vous :-)<br /> <br /> Comme vous le savez, j’avais lu votre livre.<br /> Merci Liliane<br /> <br /> Amitiés, Ingrid
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Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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