Une approche par surprise de l’anorexie
Dans l’un des séminaires des Nom-du-père (séance du 19 mars 1974), Lacan indique quelques signes de la « forclusion du nom du père dans le champ social, signes de sa « dégénérescence catastrophique. Il en donne comme premier exemple le fait que au lieu de la recherche de la reconnaissance du père qui donne le pouvoir porter son nom de pleine droit, ce qui est préféré c’est la course au titres universitaires, le désir d’être nommé à, nommé à la psychanalyse, mais aussi bien être nommé à la députation, ou pourquoi pas, à la présidence de la république.
Dans cette même veine, il donne en éclair, un aperçu très fugitif, de ce qui pourrait également être le signe de cette même forclusion du Nom-du-père dans le champ social, à savoir l’éclosion et surtout la multiplication des phénomènes d’anorexie chez les adolescentes.
Il effectue un détour par rapport à la question qu’il abordait, celle de la course aux titres universitaires qui n’est liée à aucun désir de savoir, si ce n’est un désir de savoir attribué à l’Autre, à savoir la mère en tant qu’il est repéré comme un instrument de puissance.
Il remet donc en question ce désir de savoir en évoquant le fait que « ce n’est pas le désir qui préside au savoir mais l’horreur » et il prend appui pour le démontrer sur les symptômes de l’anorexie :
« … cette chose attribuée à l’Autre (ce désir de savoir ) ça s’accompagne très souvent d’un très peu pour moi et un très peu pour moi dont l’enfant donne la preuve sous cette forme à laquelle je suis sûr vous n’avez jamais songé, mais comme vous savez moi aussi j’en apprends tous les jours … la nourriture ne me manque pas, et si vous saviez comment je le sais, n’est-ce pas, à quel point ce que j’ai déjà illustré de l’anorexie mentale en faisant énoncer par cette action, car une action énonce « Je mange rien ».
Mais pourquoi est-ce que je mange rien ? Ca vous ne vous l’êtes jamais demandé, … mais si vous le demandez aux anorexiques, ou plutôt si vous les laissez venir, moi je l’ai demandé … alors qu’est-ce qu’ils m’ont répondu ? Mais c’est très clair, elle était déjà tellement préoccupée de savoir si elle mange [ il s’agit bien sûr de la mère ] que pour décourager ce savoir, ce savoir comme ça, ce désir de savoir, n’est-ce pas, que rien que pour ça, elle se serait laissé crever de faim la gosse !
C’est très important cette dimension du savoir, et aussi de s’apercevoir que ce n’est pas le désir qui préside au savoir c’est l’horreur ».
Enfin cela n’empêche nullement Lacan d’affirmer la séance d’après que ce qui préside au savoir c’est l’amour.