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Le livre bleu de la psychanalyse
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5 avril 2008

Guérison et « truquage »

Le terme même de guérison a mauvaise presse auprès des analystes. Mais pourtant,  même si nous devons garder en mémoire l’indication de Freud, celle de ne pas être animé de la fureur de guérir ou encore de la guérison qui ne peut venir que de surcroît,  il n’empêche que la psychanalyse a des effets et des effets bénéfiques pour le sujet car sinon comment chaque analysant mais aussi chaque analyste pourrait-il s’engager dans cette entreprise malgré toutes les embûches rencontrées à commencer par le choix d’un psychanalyste, les souffrances réveillées, remises à vif,  du fait du transfert, et ce qu’il en coûte à chacun des efforts de toute sorte, surtout et y compris les efforts financiers.

En 1978, au moment de la clôture du congrès de la transmission de la psychanalyse, Lacan avait posé cette question «  comment se fait-il qu’il y a des gens qui guérissent, qui guérissent de leur névrose, voire de leur perversion, car c’est un fait qu’il y a des gens qui guérissent » et pour en rendre compte il avait avancé un curieux terme celui de « truquage ».

Si on tourne un peu autour de ce mot, il est pour le moins ambigu. Il peut décrire le savoir faire du psychanalyste, il connaît le truc, comment s’y prendre. Il évoque donc l’habileté de l’artisan ou l’astuce du bricoleur. Mais si nous passons du mot truquage au verbe truquer, il prend tout d’un coup une tonalité plus péjorative. Surgissent à l’horizon une cohorte de truqueurs, de faussaires, d’escrocs. Il me semble que les analystes ne doivent pas perdre de vue cette dimension maléfique du trucage. Car ils se tiennent sur cette étroite limite, une crête entre deux versants, celui de  l’habileté et celui de l’escroquerie. Je reprends ce terme puisqu’il a déjà été utilisé par Lacan.

Ces deux versants possibles du truquage vont se trouver mis en jeu, mis en scène à propos des fantasmes de guérison de l’analysant qui existent dans toute analyse, pour peu bien sûr qu’on y prête attention.

L’un des plus célèbres fantasmes de guérison de la littérature analytique est incontestablement celui de l’Homme aux loups, mais comme il est un peu long à développer ici, j’en ai choisi un autre, celui d’une analysante de Freud dont il nous raconte le rêve. «  Voici un beau rêve d’eau… Il servit beaucoup à la cure. Pendant son séjour d’été au lac de… elle se précipite dans l’eau sombre, là où une lune pâle se reflète dans l’eau. Des rêves de cette espèce précise Freud sont des rêves de naissance. L’analyse est pour cette jeune femme une seconde naissance. Elle est sauvée guérie par son analyste. Elle exprime aussi par ce même rêve,  un timide désir de devenir mère, autrement dit d’être enceinte comme on dit des œuvres de Freud.

Dans l’analyse ces fantasmes de guérison s’expriment par toutes les équivoques signifiantes du verbe « sauver ». Ces sauvetages sont souvent en rapport avec l’eau, la mer ou les rivières.  Ce sont soit des fantasmes de grossesse, soit des fantasmes de renaissance. Quand une femme sauve un enfant de l’eau, comme la fille du pharaon, elle est sa mère. Quand un homme sauve une femme, il lui donne un enfant, ou il est son enfant.

Mais là où ces fantasmes sont intéressants c’est qu’ils nous permettent d’aborder cette question du truquage selon ces deux versants, bénéfique et maléfique,  car il se trouve que le désir d’être guéri, sauvé par l’analyste, peut venir rencontrer coïncider avec le désir de l’analyste de sauver, de guérir son analysant.

Pour vous en donner une idée, je vous raconte juste le rêve fait par une analyste à propos de ces fantasmes de sauvetage. « Je me trouve sur une plage de l’Atlantique. Soudain deux ou trois grosses vagues se forment. Je me précipite pour sauver de très nombreux  enfants entrain de se noyer. A côté de moi, il y a des parents qui ne se font aucun souci pour leurs enfants. Je tente de sauver leur dernier enfant, mais pour sauver ma propre vie, je le laisse échapper. Les parents m’engueulent, mais je leur réponds qu’après tout, ce sont eux les parents ».

Je ne sais pas grand-chose de ce rêve et ne peut donc le déchiffrer davantage  sans l’appui de la rêveuse, cependant c’est un typique fantasme de sauvetage.

Dans l’approche que j’en ai faite j’ai utilisé ce rêve pour montrer comment il fallait pouvoir dissocier ce qu’il en est du désir de chaque analyste  de ce désir du psychanalyste. Cette séparation entre les deux est en effet lisible dans le texte de ce rêve. Il y a un franchissement effectué entre son désir de sauver beaucoup d’enfants, de les sauver et de les guérir, et le fait qu’elle en attribue en un second temps, la responsabilité aux parents.

C’est donc dans la façon dont chaque analyste gère ses propres fantasmes de sauvetage, son désir de guérir les analysants, qui établit une ligne de démarcation entre le truquage, comme savoir faire du psychanalyste, ou truquage escroquerie en tant qu’il laisserait l’analysant sous la dépendance voire l’emprise du désir de l’Autre qu’est pour lui l’analyste.

sauvetagepicasso

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Commentaires
I
Bonjour chère Liliane<br /> <br /> La guérison me renvoie à la maladie, et donc c’est comme si j’allais alors voir ma psychanalyste parce que j’aurais une maladie.<br /> Dans ce cas là pour moi, soit je me serais trompée de porte, soit ma psychanalyste se serait trompée de place.<br /> <br /> Amitiés<br /> Ingrid
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Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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