Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le livre bleu de la psychanalyse
Archives
8 novembre 2010

Le songe de Jacob et son combat avec l'ange

 

dyn001_original_550_387_pjpeg_2625226_7ea60bd19b5405fd2ef74339e020d2e3   L’échelle de Jacob

 

Marc Chagall a illustré l’Ancien testament et notamment le songe de Jacob. Voici son histoire : «  Il arriva dans un lieu où il passa la nuit ; car le soleil était couché. Il y prit une pierre, dont il fait son chevet, et il se coucha dans ce lieu-là. Il eut un songe. Et voici, une échelle était appuyée sur la terre, et son sommet touchait au ciel. Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient par cette échelle. Et voici l’Eternel se tenait au dessus elle ; et il dit « je suis l’Eternel, je suis le Dieu d’Abraham, ton père et le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité. Ta postérité sera comme la poussière de la terre ; tu t’étendras à l’occident et à l’orient […] Jacob s’éveilla de son sommeil et il dit : Certainement l’Eternel est en ce lieu et moi je ne le savais pas. Il eut peur et dit : Que ce lieu est redoutable ! C’est ici la maison de Dieu, c’est ici la porte des cieux. » (Genèse XXVIII 13-19)

Les mythes peuvent être déchiffrés comme des rêves, d’autant plus quand ils en prennent   la forme. On ne peut bien sûr que penser, à propos de ce rêve de Jacob, à ce que nous indique Freud dans l’Interprétation des rêves, du symbolisme de l’échelle ou de l’escalier comme étant une représentation de rapports sexuels. «  Les sentiers escarpés, les échelles, les escaliers, le fait de s’y trouver soit que l’on monte, soit qu’on y descende, sont des représentations symboliques de l’acte sexuel » (p.305)

Quelques pages plus loin, pour l’illustrer d’un exemple, Freud rapporte un rêve d’escalier qui concerne la mère et qui est donc un rêve œdipien typique, il figure dans le paragraphe intitulé Un rêve modifié d’escalier (p.319)

L’un de ses analysants faisait de nombreux rêves d’escalier. Freud lui ayant fait remarquer que l’abstinence concernant la masturbation n’était pas forcément la plus souhaitable pour lui, le jeune homme fit ce rêve en réponse : «  Son professeur de piano (Freud en l’occurrence)  lui reproche de négliger ses exercices, de ne pas jouer les Etudes de Moscheles et le Gradus ad Parnassum de Clementi. Il dit,  en commentaire, que le gradus est aussi un escalier et le clavier de même, puisqu’il contient une échelle ».

Si nous revenons maintenant au rêve de Jacob, on constate que, si rapport sexuel il y a, c’est avec Dieu, même si ce dont les anges qui montent et descendent l’échelle.

Mais comme ce rêve est aussi complété par cette autre phrase « que ce lieu est redoutable, c’est ici la maison de Dieu, c’est ici la porte des cieux » on peut aussi considérer que cette maison de Dieu, comme l’église, ou le temple, représente la mère.

Ainsi ce rêve de Jacob est à rapprocher pour l’éclairer, de la représentation de la scène primitive de l’Homme aux loups et peut donc être considéré comme étant la mise en scène d’un fantasme de retour au ventre maternel, fantasme au cours duquel il a ainsi l’occasion de rencontrer le père. Ce fantasme paradoxalement Freud l’interprète, alors qu’il s’agit d’un fantasme de retour au ventre de la mère, comme étant issu d’un attachement au père : « on voudrait être dans le corps de la mère, pour se substituer à elle dans le coït, prendre sa place auprès du père ».

Prendre sa place implique bien sûr aussi d’avoir des enfants du père. De ce point de vue Jacob sera comblé, comme Dieu le lui promet,  par les anges qui sont ses messagers, il aura une nombreuse descendance : Ta postérité sera comme la poussière de la terre ; tu t’étendras à l’occident et à l’orient, au septentrion et au midi et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité. »

 

 

 

 

Et son combat avec l’ange

 

 

Si avec  ce songe de Jacob, on évoque en même temps,  son combat avec l’ange qui est décrit dans la Genèse (XXXII, 7-15) combat dont Jacob sort victorieux, nous retrouvons les références bibliques des doubles liens d’un fils à son  père, ce que Lacan a appelé la « père-version », d’une part la haine et le désir de triompher de lui et de le voir disparaître, d’autre part, l’amour, un amour féminin passif, entaché de culpabilité et accentuant donc le versant masochiste du fils en référence au sadisme du père.

 

Image_20de_20Jacob

Comme le dit Jacob, ce lieu est terrible, lieu de toutes les angoisses, dont celles de la castration.

D’ailleurs de cette double épreuve, Jacob ne sortit pas indemne. Il fût blessé à la hanche comme Œdipe au pied. Il se mit à boiter, à jamais éclopé ! Il changea aussi de nom et fut baptisé par Elohim « Israël » celui qui combat, sans doute en sous-entendu, ce nom indique-t-il aussi celui qui a triomphé, triomphé dans son combat avec le père.

 

 

 

 

Publicité
Commentaires
M
JPE est trop fort, je suis un moustique...
Répondre
M
J'ai également des problèmes avec l'analyse freudienne de ce moment de l'Histoire. C'est si réducteur, tellement étroit, comme doit l'être cette échelle, qui mène, emmène. Je n'ai pas d'analyse propre, mais l'analyse par ce tableau de Chagall est très forte par contre. Très riche.
Répondre
J
Curieux effet d'après-coup, chère Liliane, c'est de la scène du buisson ardent qu'il faut, je le crains, rapprocher le rêve de Jacob ou, si vous voulez bien?, le processus de nomination. Somme toute quand son interlocuteur répond à Moïse "je serai ce que je serai" - la phrase est au futur, je n'épilogue pas sur les aléas de la traduction - n'est-ce pas à Moïse que son message est retourné inversé? Une sorte de Wo es war, soll Ich werden", ou "Adviens, toi" ! Curieusement personne ne semble avoir rapproché, chez Freud, le Ich (Je) allemand du Ich, hébreu, qui désigne l'homme, dans sa plénitude, le seigneur.. l'homme vrai...<br /> Pardon de ses élucubrations, chère Liliane, mais c'est vrai que vous m'inspirez !
Répondre
F
Jean-Pierre j'ai trouvé cette antre des nymphes et ce qu'en dit Porphyre mais il me reste à travailler cette question. Je suppose que pour vous il y a un rapport entre elle et l'échelle de Jacob, j'attends de le découvrir.
Répondre
F
Chers Jean-Pierre et Denise, je vous réponds à tous les deux. <br /> <br /> Premier point, ce n'est pas l'interprétation d'un vrai rêve mais un mythe en forme de rêve je n'ai donc aucun besoin de savoir quelles sont les associations du rêveur, de Jacob en l'occasion. Il me suffit des miennes propres, ce dont témoigne ce texte. Cette si grande échelle qui montait jusqu'au ciel faisait partie de mes intérrogations de petite fille, je ne savais pas encore, sans doute ce que c'était que d'atteindre le septième ciel. C'est donc une réponse tardive à ma question. <br /> Deuxième point, la question du nom propre, mais Jean-Pierre, je l'ai abordée dans la dernière phrase de mon texte " Il changea aussi de nom et fut baptisé par Elohim « Israël » celui qui combat, sans doute en sous-entendu, ce nom indique-t-il aussi celui qui a triomphé, triomphé dans son combat avec le père.<br /> <br /> Cela fait penser au changement de nom d'Abraham, dès qu'il y a alliance avec Dieu, il y a changement de nom. Comme disent les enfants, ils finissent par changer de nom comme de chemise ! <br /> <br /> Là pour Jacob, il me semble que c'est presque un surnom que Dieu lui donne, Jacob le combattant. Tout un programme quand même ! <br /> <br /> Troisième point vous me posez la question de la grotte de l'Odyssée. Je ne me souviens plus de l'épisode, dites m'en un peu plus, de quelle grotte s'agit-il. <br /> <br /> Pour Denise, ce ne sont pas les tableaux de Chagall que je prèfère ceux de l'illustration de la bible, mais j'aime beaucoup ceux où il évoque son village et aussi ses couples d'amoureux volant en plein ciel. Il y a aussi un tableau que j'aime beaucoup : il représente toute blanche une synagogue.
Répondre
Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité