Note à propos du sexe et du genre dans la foulée de ce film « Petite fille »
C'est dans le séminaire D'un discours qui ne serait pas du semblant , séance du 20 janvier.
Voici ce que Lacan indique dans ce passage du texte sur le trans-sexualisme :« On s'imagine qu'on dit quelque chose quand on dit que ce que Freud a apporté c'est la sous-jacence de la sexualité à tout ce qu'il en est du discours.
On dit cela quand on a été un tout petit peu touché par ce que j'énonce de l'importance du discours pour définir l'inconscient, et puis qu'on ne prend pas garde que je n'ai pas encore, moi, abordé ce qu'il en est de ce terme : sexualité, rapport sexuel.
Il est étrange certes, et il n'est pas étrange que d'un seul point de vue, le point de vue de la charlatanerie qui préside à toute action thérapeutique dans notre société, il est étrange qu'on ne se soit pas aperçu du monde qu'il y a entre le terme sexualité partout où il commence, où il commence seulement à prendre une substance biologique, et je vous ferai remarquer que, s'il y a quelque part où on peut commencer de s'apercevoir du sens que ça a, c'est plutôt du côté des bactéries, du monde qu'il y a entre ça et ce dont il s'agit concernant ce que Freud énonce : les relations que l'inconscient révèle.
Quels que soient les trébuchements auxquels lui-même a pu succomber dans cet ordre, ce que Freud révèle dans le fonctionnement de l'Inconscient n'a rien de biologique. Cela n'a le droit de s'appeler sexualité que parce qu'on appelle rapport sexuel complètement légitime d'ailleurs, jusqu'au moment où on se sert de sexualité pour désigner autre chose, à savoir ce que l'on étudie en biologie, à savoir le chromosome et sa combinaison, XY, XX, XXY, cela n'a absolument rien à faire avec ce dont il s'agit qui a un nom parfaitement énonçable et qui s'appelle les rapports de l'homme et de la femme.
Il convient de partir de ces deux termes avec leurs sens pleins, avec ce que cela comporte de relations parce qu'il est très étrange quand on voit les petits essais timides, comme ça, que les gens font pour penser à l'intérieur des cadres d'un certain appareil qui est celui de l'institution psychanalytique, on s'aperçoit que tout n'est pas réglé par les ébats de ce qu'on nous donne comme conflictuel et ils voudraient bien autre chose : du non-conflictuel, ça repose. Et alors, là ils s'aperçoivent par exemple de ceci, c'est qu'on n'attend pas du tout la phase phallique pour distinguer une petite fille d'un petit garçon. Ce n'est pas du tout pareil. Ils s'émerveillent de ça. Et alors, je vous le signale, parce que d'ici que je me retrouve en enseignant au mois de février, le deuxième mercredi de février, vous aurez peut-être eu le temps de lire quelque chose, [...]2. enfin, ça fera monter le tirage, qui s'appelle Sex and Gender ; c'est en anglais. C'est d'un nommé Stoller.3
C'est très intéressant à lire, à deux points de vue, d'abord parce que ça donne sur un sujet important celui des transsexualistes un certain nombre de cas très bien observés avec leurs corrélats familiaux. Vous savez peut-être que le transsexualisme, ça consiste très précisément en un désir très énergique de passer par tous les moyens à l'autre sexe, fût-ce à se faire opérer quand on est du côté mâle.
Voilà. Ce transsexualisme avec les coordonnées, les observations qui sont là, vous y apprendrez certainement beaucoup de choses, car ce sont des observations tout à fait utilisables. Vous y apprendrez également ceci, le caractère complètement inopérant de l'appareil dialectique avec lequel l'auteur de ce livre traite ces questions, et qui font que surgissent tout à fait directement les plus grandes difficultés qu'il rencontre pour expliquer ces cas.
Une des choses les plus surprenantes, c'est que la face psychotique de ces cas est complètement éludée par lui, faute bien entendu de tout repère, la fonction lacanienne ne lui étant jamais parvenue aux oreilles, ce qui explique tout de suite et très aisément la forme de ces cas, mais qu'importe.
L'important est ceci : c'est que pour parler d'identité de genre, ce qui n'est rien d'autre que ce que je viens d'exprimer dans ces termes, l'homme et la femme, il est clair que la question n'est posée de ce qui en surgit précocement qu'à partir de ceci qu'à l'âge adulte, il est du destin des êtres parlants de se répartir entre homme et femme et que pour comprendre l'accent qui est mis sur ces choses, sur cette instance, il faut se rendre compte que ce qui définit l'homme, c'est son rapport à la femme et inversement ; que rien ne nous permet dans ces définitions de l'homme et de la femme de les abstraire de l'expérience parlante complète jusques et y compris dans les institutions où elle s'exprime, à savoir le mariage.
Si on ne comprend pas qu'il s'agit à l'âge adulte de faire homme, que c'est cela qui constitue la relation à l'autre partie, que c'est à la lumière, au départ, en partant de ceci qui constitue une relation fondamentale qu'est interrogé tout ce qui dans le comportement de l'enfant peut être interprété comme s'orientant vers ce "faire homme" par exemple, et que de ce "faire homme" l'un des corrélats essentiels, c'est de faire signe à la fille qu'on l'aime. Que nous nous trouvons pour tout dire placés d'emblée dans la dimension du semblant et aussi bien tout en témoigne, y compris les références, qui sont communes, qui traînent partout, à la parade sexuelle chez les mammifères, supérieurs principalement, mais aussi chez, dans un très très grand nombre de vues que nous pouvons avoir très, très loin, dans le phylum animal, qui montrent le caractère essentiel dans le rapport sexuel de quelque chose qu'il convient parfaitement de limiter au niveau où nous le touchons, qui n'a rien à faire ni avec un niveau cellulaire qu'il soit chromosomique ou pas, ni avec un niveau organique, et qu'il s'agisse ou non de l'ambiguïté de tel ou tel tractus concernant la gonade, c'est à savoir un niveau éthologique qui est celui-ci, celui proprement d'un semblant.
C'est en tant que le mâle, le mâle le plus souvent, la femelle n'en est pas absente puisqu'elle est précisément le sujet qui est atteint par cette parade, c'est en tant qu'il y a parade que quelque chose qui s'appelle copulation sexuelle sans doute dans sa fonction, mais qui est statuée d'éléments d'identité particuliers, il est certain que le comportement sexuel humain trouve référence aisément dans cette parade telle qu'elle est définie au niveau animal. Il est certain que le comportement sexuel humain consiste dans un certain maintien de ce semblant animal.
La seule chose qui l'en différencie, c'est que ce semblant soit véhiculé dans un discours et que c'est à ce niveau de discours, à ce niveau de discours seulement qu'il est porté vers, permettez-moi, quelque effet qui ne serait pas du semblant. Cela veut dire qu'au lieu d'avoir l'exquise courtoisie animale, il arrive aux hommes de violer une femme ou inversement. »
« Faire homme c'est […] faire signe à la fille qu'on aime »
Mais alors « faire femme » qu'est-ce que c'est ? Serait-ce d'accepter ce signe par un oui ou par un non, comme le suggère la suite, à savoir la possibilité de franchissement d'une limite, celle du viol ?
Tout repose donc entre les hommes et les femmes sur cette question du « faire signe » et ouvre sur une seconde, la différence qui existe entre un signe et un signifiant.