Les lettres du nom propre dans le rêve à la licorne
Le rêve à la licorne, rêve rapporté par Serge Leclaire, est devenu, tout au moins par rapport à l'enseignement de Lacan, une sorte d'exemple princeps de la façon dont les lettres du nom propre se retrouvent être des éléments essentiels qui animent, qui aimantent, les symptômes des analysants, ce terme de symptôme étant pris dans son sens large, comme étant tout ce qui est analysable au titre de formation de l'inconscient.
Voici le texte de ce rêve :
« La place déserte d'une petite ville : c'est insolite ; je cherche quelque chose. Apparaît, pieds nus, Liliane – que je ne connais pas – qui me dit : il y a longtemps que je n'ai pas vu de sable aussi fin. Nous sommes en forêt et les arbres paraissent curieusement colorés de teintes vives et simples. Je pense qu'il doit y avoir beaucoup d'animaux dans cette forêt, et comme je m'apprête à le dire, une licorne croise notre chemin ; nous marchons tous les trois vers une clairière que l'on devine, en contrebas. »[1]
L'analyste nous l'indique, c'est un rêve de soif. La veille, Philippe, puisque c'est ainsi que l'a nommé l'analyste, pour présenter son histoire, Philippe donc avait en effet mangé des harengs de la Baltique.
Mais cette soif renvoie l'analysant à une autre nomination, celle de Liliane qui apparaît dans son rêve. Elle l'appelait, dans son enfance, alors qu'ils étaient à la plage (de sable) et qu'il devait lui demander à boire avec insistance, de ce joli nom affectueux « Philippe-j'ai-soif ».
Serge Leclaire arrive à déchiffrer, à partir des associations de ce rêve, ce qu'il appelle lui-même « un texte hiéroglyphique » qu'il définit comme une sorte de chaîne signifiante inconsciente : Lili – plage –soif – sable – peau – pied –corne qui se déploie entre les deux syllabes de la Li-corne
.
Puis il en déduit une sorte de jaculation sans signification que Lacan définira comme l'équivalent d'un nom propre, une sorte de nom secret que c'était donné le sujet et qui est une onomatopée :POOR (d) j'e –LI
Mais l'important, pour notre démonstration, c'est le fait qu'au terme de ces trois niveaux d'élaboration : contenu manifeste du rêve, contenu latent, puis ce chiffre secret, nous arrivions aux lettres du nom propre inventé par Serge Leclaire. Il a été forgé, selon son dire, au plus près de son vrai nom, Georges Philippe Elyani. On peut même y deviner, en contrebas de cette clairière, les lettres du nom de l'analyste, Serge Leclaire, CLAIR qui figurent donc, elles aussi, dans ce rêve.