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Le livre bleu de la psychanalyse
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4 avril 2008

L'interprétation d'une compulsion de Ernst, dit L'Homme aux rats

5d861cb526Dans ses notes du samedi 28 décembre du journal d’une analyse, celle de l’Homme aux rats (1), Freud écrit cette phrase à consonance biblique, comme le remarque le traducteur, " il a faim et on le nourrit " .  Le sujet du second verbe  fait énigme qui est cet "On " qui nourrit ? Comme, si entre Freud et son analysant,  soudain était apparu un tiers, une instance nourricière.
Cet acte de Freud, il lui fait apporter une assiette de harengs de la Baltique,  provoquera des effets inattendus qui  apparaîtront dans les jours qui viennent, sous la forme de fantasmes transférentiels qui auraient pu être beaucoup mieux exploités par l’analyste, mais pour l'instant, mis en relation directe avec cette faim, cette fringale, ce qui apparaît bien au contraire, c'est le désir de Ernst de se priver de manger pour maigrir et on retrouve ses relations avec son rival Dick ( Dick veut dire gros ) et ses désirs de suicide en miroir avec son désir de le trucider.
Jamais aussi bien qu'avec la névrose obsessionnelle d'Ernst on n'aperçoit cette réversion, ce retour sur soi-même du désir de tuer l'autre.
Dans toutes ces compulsions, se manifeste toujours, accompagnant son désir de suicide, son désir de vengeance, envers son père, envers sa dame, et également envers tous ses rivaux mis en concurrence dans l'affection de sa dame ou de ses sœurs. On peut toutes les repérer dans le journal.

La compulsion  concernant Dick est la plus apparente. Mais elle est beaucoup plus lisible dans le texte officiel des Cinq psychanalyses p. 221.
Voici ce qu'il dit de cette compulsion de maigrir : 
" Une autre des compulsions fut moins facile à élucider, ses liens avec la vie affective du patient ayant réussi à se dissimuler derrière l'une des associations superficielles, fait qui répugne tant à notre pensée consciente. Ce fut une compulsion à un suicide indirect, pour ainsi dire, et qui dura quelque temps. Un jour pendant une villégiature, il eut l'idée qu'il était gros et qu'il devait maigrir. Il se mit alors à se lever de table avant le dessert, à se précipiter en pleine chaleur d'août, sans chapeau dans la rue, et à gravir les montagnes en courant, pour s'arrêter baigné de sueur. L'idée du suicide apparut une fois sans déguisement derrière cette manie de maigrir ; un jour sur une côte abrupte, se forma en lui l'ordre de sauter en bas, ce qui eût été sa mort certaine. La solution de cette absurde compulsion, le malade ne la trouva que lorsque lui vint à l'esprit, un jour, qu'à cette époque son amie séjournait au même endroit aussi, mais en société d'un cousin anglais qui lui faisait la cour, et dont notre patient était très jaloux. Ce cousin se nommait Richard, et tout le monde l'appelait Dick, comme c'est la coutume en Angleterre. C'est ce Dick qu'il aurait voulu tuer (1). "

Or rajoute le traducteur Dick, en allemand, signifie " Gros ".

Deux remarques à propos de cette compulsion à maigrir qui est une compulsion au suicide déguisée :

1 - c'est d'une part le fait qu'elle arrive en association avec le fait qu'il a eu faim et que Freud lui a fait apporter à manger, donc en rapport avec quelque chose qui est une intervention, je dirais même un acte de l'analyste. Est-ce que Ernst ne pouvait pas l'entendre comme le désir qu'il mange et donc qu'il vive ?
2 - Comment quelque soit le symptôme, et Freud décrit dans ces notes du samedi 28 décembre toute une série compulsions, il s'agit toujours de travail avec le signifiant, travail qu'il s'agit de détecter, dans le cas de cette obsession de maigrir, il fallait tout le flair de Freud ou de Ernst, puisque c'est lui qui en a eut l'idée : le désir de tuer ce gros-là, qui s'appelait Dick et qui avait les supposées faveurs de sa dame.
3 - est-ce que ça ne donne pas une approche un peu latérale de la question de l'anorexie. Je me souviens d'une jeune femme anorexique qui répétait sans cesse que sa mère reprochait beaucoup à ses enfants d'être des ingrats. Mais pour elle le repérage de ce signifiant ne lui donnait aucun accès à un désir de vivre.

A la fin de ces notes, on s'aperçoit que Freud à accompli au cours de ces quelques jours deux actes symboliques : cet apport de nourriture sous la forme de cette assiette de harengs mais aussi une autre nourriture " Je lui donne à lire la joie de vivre de Zola " ! Avec ce mot de la fin " Faut-il être bête pour se tuer ! "
Peut-on dire que par ces deux actes, Freud témoigne de son désir, du désir qu'il vive ! On est loin de la neutralité supposée de l'analyste et pourtant !

(1) Journal d'une analyse ; L'homme aux rats, PUF, p.211.

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Commentaires
V
dans mon cas, jeune fille, (12) c'était:<br /> <br /> Etais-je l'objet du désir de mon père?
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D
Bonjour,<br /> <br /> étant en train de travailler les dernières séances des Formations de l'inconscient (Lacan, 1957-58)dans lesquelles il est beaucoup question de la névrose obsessionnelle, et en lisant ce texte de Liliane Fainsilber, le prénom Dick m'a arrêté. Il m'a semblé que ce prénom n'était pas sans lien avec cette compulsion "en miroir" à le trucider.<br /> J'ai été cherché sur un dictionnaire et j'ai trouvé que dick, en Anglais, vulgairement désigne le pénis, "une queue".<br /> Là où ça vient rencontrer le séminaire de Lacan c'est que ce dernier nous spécifie bien que le grand problème de l'obsessionnel ne réside pas tant dans la question d'avoir ou de ne pas avoir le phallus, mais bien plutôt dans la question épineuse d'être ou ne pas être cet objet du désir de la mère...<br /> Aussi nous pouvons entendre cette compulsion à l'élimination de Dick (compulsion qui peut se retourner sur lui) comme ce qui fait le font de sa névrose. Pour schématiser les choses ça pourrait se dire ainsi: Je dois éliminer mon rival en tant qu'il est un phallus (un Dick), ainsi ce sera moi le phallus, mais si je le suis c'est la mort qui se profile...
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Le livre bleu de la psychanalyse
  • Ce blog, écrit par Liliane Fainsilber et David Berton, sera avant tout une invitation à la découverte de la psychanalyse. Le contenu de ce site est identifié auprès de la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2272-54
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